Le vieux musicien s'en va, sa musique reste

Publié le par Miss Tigri

10-03-12--4-.JPGUn félin qui capte la lumière : incarnation de l'art poétique ?

Il y a deux ans, l'étoile Jean Ferrat s'en allait rejoindre l'étoile Hölderlin et l'étoile Verlaine...

Jean Ferrat n’était pas exactement un chanteur à la mode dans les cours de récréation de l’école Primaire en 1986, une année qui restera marquée pour moi par les couleurs rouges et grises de la pochette d’un 33 tours, celles de l’album Je ne suis qu’un cri. Le disque traînait à la maison au-dessus de la collection complète de l’artiste et -ô joie !-, figurait aussi parmi les vinyles de ma nourrice. Une aubaine qui, à l’âge de neuf ans, me permit de connaître par cœur toutes les chansons de l’album... et qui offrit à ma nourrice de paisibles moments, où il lui suffisait de me caler sur le canapé avec du Jean Ferrat pour ne plus m’entendre de la matinée. Sans doute n’en ai-je pas d’emblée compris toutes les subtilités, quoique mon père se chargeât de m’expliquer les paroles, chanson par chanson, avec une patience qui n’avait d’égale que sa passion pour l’œuvre de Ferrat, mais je sentais profondément ce que les textes contenaient de colère et d’espoir. Ainsi la chanson Les cerisiers résonnait si puissamment qu’elle en est devenue mon hymne secrète, celle que l’on se fredonne en silence pour se raconter que tout ira mieux demain. Etrange, à un si jeune âge, de s’approprier ainsi une chanson qui commence par "J’ai souvent pensé c’est loin la vieillesse" ? Ou bien Ferrat ne serait-il pas seulement le chanteur d'une génération, comme les multiples interviews de papys nostalgiques tendaient à le faire croire ?

Un de mes plus grands regrets, en apprenant la disparition de Jean Ferrat, c’est de songer qu’il n’est finalement jamais venu, ce temps des cerises, et que le vieux musicien a dû "boucler ses valises" et s’en est allé avant le printemps, emportant avec lui "son rêve modeste et fou".

Une autre de ses chansons disait ceci :


Si je meurs un beau soir d’hiver

On dira que c’est d’un cancer

Ou bien d’un truc à quelque chose

Il peut se trouver des experts

Qui décrèteront au contraire

Que c’était la tuberculose

C’est pourquoi je prends les devants

Pour affirmer dès maintenant

Croyez pas ces vieux imbéciles !

J’avais une santé de fer

Je n’avais qu’un petit travers

J’avais le cœur un peu fragile…

 

Le cœur fragile, indispensable instrument à composer et à créer, somptueuse infirmité !

Celui qui chante se torture, écrivait Aragon dans "Les poètes". C’est probablement ce qu’aura cruellement ressenti Isabelle Aubret en montant sur scène, le cœur en berne. J’aurais volontiers gommé tout le flot d’hommages absurdes et convenus pour ne retenir que son sourire à elle. Parce qu’elle a eu le bon sens et la dignité d’offrir un sourire, de ces sourires qui tremblent un peu, et d’évoquer la vie, non la mort, la présence, non le manque. Sans doute, comme Hugo, a-t-elle su observer –maigre consolation– que "le nom grandit quand l’homme tombe"

Cet article en hommage à Ferrat est également dédié à mon père, ce révolté. With love.

Publié dans Les chartisitiques

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Commenter cet article
K
<br /> Coucou Miss Tigri<br /> <br /> <br /> Oui nous avons des points communs...<br /> <br /> <br /> Voici mon article :<br /> <br /> <br /> http://kimcat1b58.over-blog.com/article-jean-ferrat-a-antraigues-52621016.html<br /> <br /> <br /> Hier soir j'ai commencé la lecture du livre de Colette Ferrat. Un bonheur !<br /> <br /> <br /> Bon dimanche<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> Caresses à tes chatounets<br /> <br /> <br /> Béa kimcat<br />
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M
<br /> <br /> Merci pour le lien. Je cours lire ton article.<br /> <br /> <br /> Bisous.<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Coucou Miss Tigri<br /> <br /> <br /> Très touchée par ton hommage à Jean Ferrat qui a bercé mon enfance car mon père l'appréciait énormément. J'ai eu une pensée particulière pour lui en ce 13 mars, 2e anniversaire de sa disparition.<br /> Ce matin, j'ai pris le livre de Colette Ferrat, à la Médiathèque.. En juin 2010, nous sommes allés sur sa tombe. Un moment d'intense émotion (je vais revenir avec le lien de mon article qui<br /> lui est consacré)<br /> Bises félines du samedi<br /> Béa kimcat<br />
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M
<br /> <br /> Décidément, Béa, que de points communs ! <br /> <br /> <br /> Je crois que les textes et les musiques de Jean Ferrat parlent à beaucoup.<br /> <br /> <br /> Bises à toi et bon dimanche.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br />  <br /> <br /> <br /> Je me souviens, fin des années 60, d’une fête de la châtaigne au cours de laquelle l’écrivain Jean Pierre Chabrol avait accueilli  sur le pont de Chamborigaud  en Cévennes  Jean Ferrat, au son de la<br /> trompette de Maurice André jouant «pourtant que  la montagne est belle»…Trois amoureux des Cévennes aujourd’hui à jamais réunis.<br /> <br /> <br /> Merci pour ce bel hommage à Jean Ferrat<br />
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M
<br /> <br /> Bon sang, j'aurais donné cher pour assister à ça ! Il doit y avoir des gens bien, là-haut, au Paradis des Cévenols. Merci, Jojo, pour ce commentaire éclairant, vibrant (comme la trompette de<br /> Maurice André), émouvant. Ah, les Cévenols !<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Un bel hommage qui m'a émue aux larmes! Je filé ré-écouter ce grand poète, et maintenant je penserai toujours à toi en l'écoutant. Merci. Bonne journée Miss Tigri, bises à toi<br />
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M
<br /> <br /> Un bien gentil commentaire. Merci beaucoup... et bonne écoute ! <br /> <br /> <br /> Bises et bonne journée.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Un magnifique hommage et une tendre dédicace. <br />
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G
<br /> <br /> Merci. Y'a des moments comme ça, avec Miss Tigri...<br /> <br /> <br /> <br />