Ça déménage à Saint-Eloi
Réveil en fanfare, ce matin. Le mitigeur de la douche ne fonctionne toujours pas : impossible d’obtenir de l’eau tiède et les techniciens qui renâclent à venir faire leur boulot… Dommage pour eux, je me sens en forme et j’ai toute la journée pour les faire c… hum ! pour les motiver à s’activer.
Quelques minutes plus tard, tandis que je pédale vigoureusement sur place, l’aide-soignante arrive afin de procéder aux tâches ménagères quotidiennes, et la voilà qui gémit à nouveau sur l’inconfort de la chambre : c’est beaucoup trop étroit et encombré, on n’arrive pas à passer la serpillère partout, et ce fauteuil coincé près du mur… Je renchéris aussitôt :
« Puisqu’on parle de tout ce qui va bien dans cette chambre, ils ont l’intention de venir réparer le mitigeur avant Noël ou quoi ?
- Bô, ils ne viendront pas. Ils disent que ça a toujours fonctionné comme ça !
- Peut-être que ça a toujours fonctionné comme ça, mais ils vont venir le réparer, ça je vous le garantis.
- On a tous essayé : on se fait engueuler au téléphone quant on les appelle ».
Là, je sens que ça chauffe, le coup de pédale devient véritablement rageur.
« Ils vont venir, je vous dis. J’ai toute la journée devant moi : je vous assure qu’ils vont se déplacer ! Pour l’ameublement de la chambre, ne vous en faites pas, je m’en occupe ».
L’aide-soignante me jette un regard dubitatif tout en s’appliquant à faire mon lit. Un peu zinzin, celle-là, doit-elle penser. Puis, la conversation s’allège quelque peu : elle m’interroge sur ma maladie, me demande si l’hospitalisation se passe bien…
« Je redoute un peu l’aplasie, lui confiai-je enfin. La plupart des patients sont complètement crevés pendant cette période… »
C’est alors qu’elle s’écrie, en levant sa lingette avec une sorte de désinvolture.
« Ah, mais, vous, même en aplasie, je suis sure que vous ferez encore du vélo. ! Vous êtes une battante, rien qu’à votre tête, ça se voit ».
En voilà au moins une qui a compris qui c’est Raoul… Quant au technicien, il ne va pas tarder à piger, juste le temps que le directeur du CHU reçoive des nouvelles de Miss Tigri. Enfin, comme j’aime tenir mes engagements et que je suis toujours du côté des travailleurs zélés qui peinent dans l’exercice de leurs missions, j’ai tenu ma promesse et j’ai refait la déco de la chambre. Le défi était de taille puisqu’il s’agissait de déplacer une table de chevet, un meuble-télé, une desserte roulante et un grand fauteuil, le tout, dans 9m² avec un lit au milieu et un vélo coincé contre un mur, tout en étant attelée à une potence qui limite mes mouvements et mes déplacements, et surtout qui pèse un âne ! Néanmoins, le résultat est là : la chambre est beaucoup plus fonctionnelle et moins casse-gueule, le peu d’espace disponible est optimisé, les infirmières et aides-soignantes sont ravies (moi aussi, au passage !)
Que voulez-vous ? Même s’il lui arrive de correctionner ou de disperser "façon puzzle", ce n’est pas fondamentalement un mauvais bougre, le Raoul…