Miss Tigri's younger self
Eh oui… Les chats et moi, c’est une vieille histoire, comme en témoigne le décor derrière moi… La gamine bouclée, donc, c’est moi, et le chat, c’est Figaro. Une crème de chat, pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de le connaître. Je cédais là à l’un de mes plus grands plaisirs dans l’existence : partager ma pitance avec un matou. Graffiti et Zingara, quant à eux, ne sont pas de gourmands félins. Ils ignorent somptueusement ce qui se passe dans la cuisine et se contentent de leur ration de croquettes quotidienne, agrémentée tout de même de quelques crevettes et d’une généreuse ration de lait.
Tout ça pour dire qu’il y a en nous des choses immuables, malgré les dégâts que le temps peut provoquer sur notre esprit et notre pauvre carcasse. Nous abritons encore le gamin que nous étions, celui qui nous a imaginé plus grand, une sorte de younger self. Même sur un lit d’hôpital, reliée à toutes sortes de machines qui se mettent parfois à couiner en pleine nuit, même si le teint rose est devenu gris à force de chimio, même s’il ne reste plus grand’chose de la môme que j’étais, elle est là. Elle me raconte tout ce que j’aimais, tout ce qui m’a ému, tout ce qui me faisait rêver. Elle s’étonne de me voir ainsi mais me promet aussi des jours meilleurs. Elle me jure que je l’aurai, mon aquarium, et qu’il ne me restera alors qu’à offrir des cannes à pêche à mes chats… Bon, j'arrête avant que l'on prolonge mon séjour hospitalier pour schizophrénie...
Un deuxième jour s’est levé sur Saint-Eloi (priez pour moi !). Le saule rachitique au pied de ma fenêtre ne semble pas décidé à pousser. Cela fera-t-il un matelas suffisant le jour où je voudrai m’échapper par la fenêtre ? Il faut d’abord que je trouve de quoi briser la vitre. Je me renseigne et je reviens…